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lundi 17 septembre 2012

Urbanisme - Permis de construire - covisibilité de monument historique - Nature et portée des avis de l'architecte des bâtiments de France


1. Lors de l’instruction de permis de construire ou d’autorisation d'urbanisme, l’architecte des bâtiments de France peut être consulté lorsque le projet se situe dans le périmètre de covisibilité d’un monument historique.


Il émet son avis sur la base des règles ou autorisations en vigueur à la date de sa consultation.

2. En l’absence de covisibilité d'un monument historique, l'avis de l'architecte des bâtiments de France est simple. 

Inversement, en cas de covisibilité d’un monument historique, son avis est obligatoire. Il doit être impérativement consulté par la commune qui instruit la demande de permis de construire et l’administration est alors liée pas cet avis.

Depuis l’entrée en vigueur de la réforme des autorisations d'urbanisme le 1er octobre 2007, le régime des consultations obligatoires de l’architecte des bâtiments de France dans le périmètre des monuments historiques a été modifié pour dépendre de cette notion de covisibilité qui impose la réunion d’une double condition de distance maximale de 500 mètres et de visibilité du monument ou en même temps que le monument (article L. 621-30-1 du code du patrimoine).

▐  Lorsque ces 2 conditions cumulatives sont réunies, une autorisation préalable de l’architecte des bâtiments de France est imposée pour toute construction nouvelle, démolition, transformation ou modification de nature à affecter l’aspect d’un immeuble situé dans le champ de visibilité d’un édifice classé ou inscrit (article L. 621-31 du code du patrimoine).
Lorsque ces travaux sont soumis à autorisation d'urbanisme, cette dernière tient lieu de l’autorisation précitée si l’architecte des bâtiments de France a donné son accord.

▐  Hors champ de visibilité dans le périmètre des 500 mètres, l’accord préalable de l’architecte des bâtiments de France n’est pas requis (conseil d'état, 27 juillet 1988, Monsieur et Madame Gohin, n° 81698).
Il émet un avis « simple » que le maire n’est tenu ni de recueillir, ni de reprendre, ce qui signifie qu’il ne peut pas fonder sa décision sur celui-ci (cour administrative d'appel de Bordeaux, 17 février 2000, Monsieur Pierre Soule-Tholy et autres, n° 97BX00797 ; cour administrative d'appel de Douai, 21 décembre 2000, commune de Liesse, n°97DA0028 ; rép. min., n° 33408 : JO Sénat Q, 19 juillet 2001. 2386).
Son avis est réputé favorable en cas de silence conservé pendant 4 mois (article R. 423-67 du code de l'urbanisme).

3. L’architecte des bâtiments de France est seul compétent, sous le contrôle du juge, pour apprécier si un immeuble existant ou à implanter à moins de 500 mètres d’un immeuble classé ou inscrit est ou non situé dans son champ de visibilité (conseil d'état, 12 mars 2007, Marchand, n° 275287). 

4. Appréciation de la covisibilité par les juridictions administratives – exemples :

▐  La covisibilité peut n’être que partielle (conseil d'état, 31 juillet 1986, Min. urba. et logement / Monsieur Sainte-Rose, n° 60511).

▐  Elle peut être appréciée depuis un ou deux endroits différents (conseil d'état, 8 novembre 1991, Ville de Clermont-Ferrand c/ Chartron, n° 96650).

▐  Elle est obligatoirement appréciée d'un endroit public ou d’un bien ouvert au public : voies publiques, places, chemins ruraux, etc. (conseil d'état, 4 novembre 1994, société de gestion, d’études et de création immobilières françaises, n° 103270 ; conseil d'état, 8 septembre 1997, Deschamps, n° 161956).

   ▐  Inversement, les vues des espaces privatifs ne sont pas prises en compte (cour administrative d'appel de Nantes, 3 novembre 1999, Min. culture et de la communication / Quere, n° 98NT00111).

5. Appréciation de la covisibilité par l’administration :

L’administration l'apprécier à partir d'« endroit normalement accessible ».

Elle ne peut, par conséquent, s'effectuer depuis un hélicoptère ou depuis des lieux qui ne sont pas aisément accessibles comme le sommet du clocher d'une église. La visibilité depuis un belvédère peut, en revanche, être prise en compte, dès lors que celui-ci est ouvert au public (Rép. min. Zimmermann n° 51116 : JOAN Q, 29 janv. 2001, p. 690 – cf. pièce jointe).

Le principe est donc très clair : la délivrance d’un permis de construire n’est subordonnée à l’accord de l’architecte des bâtiments de France que si, et seulement si, le projet est situé dans le champ de visibilité de l’édifice classé ou inscrit et dans le périmètre des 500 mètres, la visibilité s’appréciant depuis un « endroit normalement accessible » (cour administrative d'appel de Nantes, 12 juin 1997, Guérin, n° 93NT00841).


6. Contrôle du juge administratif :

Le contrôle de l’atteinte portée, selon l’ABF au monument, relève de l’appréciation souveraine des juges administratifs (conseil d'état, 5 juin 2002, Chabauty, n° 222390).

Ils vérifient si la construction projetée satisfait ou non les conditions cumulatives prévues par le code du patrimoine (conseil d'état, 28 juillet 1993, Monsieur Claude Alexandre, n° 76292).

L’illégalité de l’avis de l’architecte des bâtiments de France a un effet sur la légalité des permis de construire ou décisions d’urbanisme prises sur son fondement : le motif de refus d’autorisation tiré de l’avis défavorable de l’architecte des bâtiments de France est inopérant dès lors que le projet n’est pas situé dans le champ de visibilité, cet avis n’étant pas requis (cour administrative d'appel de Bordeaux, 17 février 2000, Monsieur Soule-Tholy, n° 97BX00797).

Le juge administratif exerce également un contrôle sur l'appréciation du préfet ou de l'architecte des Bâtiments de France quant à l'atteinte portée à un monument historique.

7. Contestation de l’avis de l’architecte des bâtiments de France – recours obligatoire auprès du préfet de région :

La procédure de recours préalable obligatoire contre l’avis négatif illégal de l’architecte des bâtiments de France est notamment prévue pour :

▐  Les travaux situés en secteurs sauvegardés historiques (article L. 313-2 alinéa 3 du code de l'urbanisme),

▐  Les travaux situés en ZPPAUP - AMVAP (article L. 642-3 du code du patrimoine),

▐  Les travaux portant sur un immeuble classé au titre des monuments historiques ainsi que pour les projets situés dans le champ de visibilité d’un édifice classé ou inscrit (article L. 621-31 du code du patrimoine).

Le recours peut s’organiser de deux manières :

▐  Dans le délai d’un mois à compter de la réception de l’avis de l’ABF, le maire peut saisir le préfet de région en cas de désaccord.

▐  Le pétitionnaire du permis de construire peut également contester cet avis de l’architecte des bâtiments de France auprès du préfet de région. Ce recours doit être exercé dans un délai de 2 mois à compter de la notification du refus de permis de construire.

▐  En vertu des articles 29 et 30 de la loi n° 2010-788 du 12 juillet 2010 dite « Grenelle II », le préfet dispose d’un délai de 2 mois à compter de sa saisine pour se prononcer (contre 3 auparavant).

▐  Son avis se substitue à celui de l’architecte des bâtiments de France. Il est notifié au maire et au pétitionnaire. Son silence vaut acceptation du recours engagé.

    ▐  Lorsque l’avis de l’architecte des bâtiments de France est infirmé par le préfet, le maire peut délivrer le permis de construire, initialement refusé dans le champ de visibilité du monument historique.


Attention, le recours directement engagé contre le refus d’autorisation est irrecevable si la demande d’annulation est fondée sur l’illégalité de l’avis de l’ABF (conseil d'état, 28 mai 2010, Dufour, n° 327615).