1. Lors de l’instruction de permis de
construire ou d’autorisation d'urbanisme, l’architecte des bâtiments de France
peut être consulté lorsque le projet se situe dans le périmètre de covisibilité
d’un monument historique.
Il émet son avis
sur la base des règles ou autorisations en vigueur à la date de sa
consultation.
2. En l’absence de covisibilité d'un monument historique,
l'avis de l'architecte des bâtiments de France est simple.
Inversement, en cas de covisibilité d’un monument
historique, son avis est obligatoire. Il
doit être impérativement consulté par la commune qui instruit la demande de
permis de construire et l’administration est alors liée pas cet avis.
Depuis l’entrée en
vigueur de la réforme des autorisations d'urbanisme le 1er octobre 2007, le
régime des consultations obligatoires de l’architecte des bâtiments de France
dans le périmètre des monuments historiques a été modifié pour dépendre de
cette notion de covisibilité qui impose la réunion d’une double condition de distance maximale de 500 mètres et de
visibilité du monument ou en même temps que le monument (article L.
621-30-1 du code du patrimoine).
▐ Lorsque
ces 2 conditions cumulatives sont réunies, une autorisation préalable de l’architecte des bâtiments de France est
imposée pour toute construction nouvelle, démolition, transformation ou
modification de nature à affecter l’aspect d’un immeuble situé dans le champ de
visibilité d’un édifice classé ou inscrit (article L. 621-31 du code du
patrimoine).
Lorsque ces travaux sont soumis à autorisation
d'urbanisme, cette dernière tient lieu de l’autorisation précitée si
l’architecte des bâtiments de France a donné son accord.
▐ Hors champ de visibilité dans le périmètre des 500
mètres, l’accord préalable de l’architecte des bâtiments de France n’est pas
requis (conseil d'état, 27 juillet 1988,
Monsieur et Madame Gohin, n° 81698).
Il émet un avis « simple » que le maire n’est
tenu ni de recueillir, ni de reprendre, ce qui signifie qu’il ne peut pas
fonder sa décision sur celui-ci (cour
administrative d'appel de Bordeaux, 17 février 2000, Monsieur Pierre
Soule-Tholy et autres, n° 97BX00797 ; cour administrative d'appel de
Douai, 21 décembre 2000, commune de Liesse, n°97DA0028 ; rép. min., n°
33408 : JO Sénat Q, 19 juillet 2001. 2386).
Son avis est réputé favorable en cas de silence conservé
pendant 4 mois (article R. 423-67 du code de l'urbanisme).
3.
L’architecte des bâtiments de France est seul compétent, sous le contrôle du
juge, pour apprécier si un
immeuble existant ou à implanter à moins de 500 mètres d’un immeuble classé ou
inscrit est ou non situé dans son champ de visibilité (conseil d'état, 12 mars 2007, Marchand, n° 275287).
4.
Appréciation de la covisibilité par les juridictions administratives –
exemples :
▐ La
covisibilité peut n’être que partielle
(conseil d'état, 31 juillet 1986, Min.
urba. et logement / Monsieur Sainte-Rose, n° 60511).
▐ Elle
peut être appréciée depuis un ou deux endroits différents (conseil d'état, 8 novembre 1991, Ville de Clermont-Ferrand c/
Chartron, n° 96650).
▐ Elle
est obligatoirement appréciée d'un endroit
public ou d’un bien ouvert au public : voies publiques, places,
chemins ruraux, etc. (conseil d'état, 4
novembre 1994, société de gestion, d’études et de création immobilières
françaises, n° 103270 ; conseil d'état, 8 septembre 1997, Deschamps, n°
161956).
▐ Inversement, les vues
des espaces privatifs ne sont pas prises en compte (cour administrative d'appel de Nantes, 3 novembre 1999, Min. culture et
de la communication / Quere, n° 98NT00111).
5.
Appréciation de la covisibilité par l’administration :
L’administration l'apprécier à
partir d'« endroit normalement
accessible ».
Elle ne peut, par conséquent, s'effectuer depuis un
hélicoptère ou depuis des lieux qui ne sont pas aisément accessibles comme le
sommet du clocher d'une église. La visibilité depuis un belvédère peut, en
revanche, être prise en compte, dès lors que celui-ci est ouvert au public (Rép. min. Zimmermann n° 51116 : JOAN Q,
29 janv. 2001, p. 690 – cf. pièce jointe).
Le
principe est donc très clair : la délivrance d’un permis de construire
n’est subordonnée à l’accord de l’architecte des bâtiments de France que si, et
seulement si, le projet est situé dans le champ de visibilité de l’édifice
classé ou inscrit et dans le périmètre des 500 mètres, la visibilité
s’appréciant depuis un « endroit
normalement accessible » (cour administrative d'appel de Nantes, 12 juin
1997, Guérin, n° 93NT00841).
6. Contrôle du juge administratif :
Le contrôle de l’atteinte portée, selon l’ABF au monument,
relève de l’appréciation souveraine des
juges administratifs (conseil d'état,
5 juin 2002, Chabauty, n° 222390).
Ils vérifient si la construction projetée satisfait ou
non les conditions cumulatives prévues par le code du patrimoine (conseil d'état, 28 juillet 1993, Monsieur
Claude Alexandre, n° 76292).
L’illégalité de l’avis de l’architecte des bâtiments de
France a un effet sur la légalité des permis de construire ou décisions d’urbanisme
prises sur son fondement : le motif de refus d’autorisation tiré de l’avis
défavorable de l’architecte des bâtiments de France est inopérant dès lors que
le projet n’est pas situé dans le champ de visibilité, cet avis n’étant pas
requis (cour administrative d'appel de
Bordeaux, 17 février 2000, Monsieur Soule-Tholy, n° 97BX00797).
Le juge administratif exerce également un contrôle sur
l'appréciation du préfet ou de l'architecte des Bâtiments de France quant à
l'atteinte portée à un monument historique.
7.
Contestation de l’avis de l’architecte des bâtiments de France – recours
obligatoire auprès du préfet de région :
La procédure de
recours préalable obligatoire contre l’avis négatif illégal de l’architecte des
bâtiments de France est notamment prévue pour :
▐ Les
travaux situés en secteurs sauvegardés historiques (article L. 313-2 alinéa 3
du code de l'urbanisme),
▐ Les
travaux situés en ZPPAUP - AMVAP (article L. 642-3 du code du patrimoine),
▐ Les
travaux portant sur un immeuble classé au titre des monuments historiques ainsi
que pour les projets situés dans le champ de visibilité d’un édifice classé ou
inscrit (article L. 621-31 du code du patrimoine).
Le recours peut s’organiser de deux manières :
▐ Dans le
délai d’un mois à compter de la
réception de l’avis de l’ABF, le maire
peut saisir le préfet de région en
cas de désaccord.
▐ Le pétitionnaire du permis de construire
peut également contester cet avis de l’architecte des bâtiments de France auprès
du préfet de région. Ce recours doit
être exercé dans un délai de 2 mois
à compter de la notification du refus de permis de construire.
▐ En
vertu des articles 29 et 30 de la loi n° 2010-788 du 12 juillet 2010 dite
« Grenelle II », le préfet dispose d’un délai de 2 mois à compter de
sa saisine pour se prononcer (contre 3 auparavant).
▐ Son
avis se substitue à celui de l’architecte des bâtiments de France. Il est
notifié au maire et au pétitionnaire. Son silence vaut acceptation du recours
engagé.
▐ Lorsque l’avis de l’architecte des bâtiments de France
est infirmé par le préfet, le maire peut délivrer le permis de construire,
initialement refusé dans le champ de visibilité du monument historique.
Attention, le recours
directement engagé contre le refus d’autorisation est irrecevable si la demande
d’annulation est fondée sur l’illégalité de l’avis de l’ABF (conseil d'état, 28 mai 2010, Dufour, n°
327615).